Prière en temps d'épidémie

Homélie du 4ème dimanche Pascal

Chers frères et soeurs,

Aurons-nous encore la patience d’attendre jusqu’au mois de juin ? Pourquoi ne ferions-nous pas comme les disciples avant la Pentecôte ? Prier en cachette et en petits groupes ? Plusieurs d’autres questions hantent notre conscience chrétienne depuis que nous avions écouté le discours du 1er ministre. Mais sans se décourager, cette situation nous invite à discerner ce que Dieu nous donne à voir, à comprendre. Prions davantage ! Que devons- nous faire ? Tout ne dépend pas de nous.

Les textes bibliques de ce 4ème dimanche nous parlent du salut offert en Jésus Christ. Nous avons entendu la prédication de Pierre entouré des autres apôtres. Ils sont tous sortis du lieu où ils étaient « confinés » pour annoncer avec force la bonne nouvelle de l’Évangile: «Que tout le peuple d’Israël en ait la certitude : ce même Jésus que vous avez crucifié, Dieu a fait de lui le Seigneur et le Christ ». La tâche de Pierre, ce matin-là, c’est donc de leur ouvrir les yeux : oui, ce Messie dont vous n’avez pas cessé de parler ces jours-ci, c’est bien lui, qui a été exécuté ici même à Jérusalem, il y a quelques semaines. La réponse a été immédiate : « Que devons-nous faire ? » les gens ont été touchés par cette prédication de Pierre. Beaucoup se sont fait baptiser. Pour eux, c’est vraiment « la joie de l’Évangile ». Quand on a accueilli le Christ dans sa vie, plus rien ne peut être comme avant.

Mais cette vie nouvelle ne va pas sans difficultés. Dans la seconde lecture, Pierre s’adresse à des communautés qui connaissent des épreuves : « Si l’on vous fait souffrir alors que vous avez bien agi, vous rendrez hommage à Dieu en tenant bon,…C’est bien à cela que vous avez été appelés, puisque le Christ lui-même a souffert pour vous et vous a laissé son exemple afin que vous suiviez ses traces ». Il les exhorte à se tourner vers ce modèle qu’est le Christ : Au jour de son baptême dans les eaux du Jourdain, il est rentré dans l’eau, pur de tout péché ; il en est ressorti porteur de tous les péchés du monde. Il les a pris sur lui pour nous en libérer. Injustement traité, il s’en remettait à Dieu. C’est par ses blessures que nous sommes guéris. L’opprimé qui est conscient de partager la destinée de son Seigneur n’aura plus jamais une âme d’esclave. Il découvrira que le Seigneur est son berger et qu’avec lui, rien ne saurait lui manquer (Psaume 22).

C’est précisément cette image du berger que Jésus utilise dans l’Évangile de ce dimanche. Tout au long de son ministère, nous le voyons parcourir les villes et les villages pour annoncer la bonne nouvelle. Il y rencontre des foules qui sont « comme des brebis sans berger ». Il est remué jusqu’au plus profond de lui-même par leur douloureuse situation. Les autorités religieuses qui auraient dû s’en occuper les ont pratiquement abandonnées. Le prophète Jérémie dénonce ces « misérables bergers qui laissent périr et se disperser les brebis du pâturage ». Aujourd’hui, le Christ dénonce les pharisiens qui expulsent les brebis du troupeau de Dieu.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que Jésus se présente à tous comme l’unique vrai pasteur. C’est vrai que les évêques et les prêtres sont présentés comme les bergers du peuple qui leur est confié. Dans les groupes de prière, il y a aussi un berger. Le groupe charismatique met en valeur la place du berger dans l’organisation du groupe selon les charismes de chacun. C’est également vrai pour tous ceux qui exercent des responsabilités dans différents domaines. Mais les uns et les autres ne pourront être bergers que s’ils sont vraiment reliés au Christ « berger de toute humanité ». Nous ne sommes que des intendants.

Dans l’Évangile de ce jour, Jésus se compare également à « la porte des brebis ». C’est par lui que nous devons passer si nous voulons être de vrais pasteurs. Ceux qui ne passent pas par la porte sont « des voleurs et des bandits ». Ces derniers ne viennent que pour voler, égorger et détruire. Ce n’est pas le cas de Jésus : il est venu pour « chercher et sauver ceux qui étaient perdus ». Il veut que tous les humains aient « la vie en abondance. » Au cours de temps pascal, nous avons entendu le dialogue de Jésus avec Nicodème : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. »

Nous sommes envoyés pour continuer ce que Jésus a fait. Mais rien n’est possible sans lui. Il est le passage obligé. Tout le travail de nos communautés chrétiennes doit passer par lui. Notre mission n’est pas de travailler « pour » le Seigneur mais de faire le travail « du » Seigneur. C’est de lui qu’on reçoit le salut et la vie en abondance. Nous devons accueillir cet Évangile comme une invitation à remettre le Christ au coeur de nos vies et à nous laisser guider par lui.

Le 4ème dimanche de Pâques est devenu la journée de prière pour les vocations. Nous pensons aux évêques, aux prêtres, mais aussi, pour des hommes et des femmes consacrés, toute leur vie, de différentes manières : vie religieuse dans la contemplation ou le service d’autrui, sous les formes les plus variés, vie laïque aussi. Bref, ce don total d’une existence qui, dans tous les domaines de l’activité humaine, renonce à ce qu’il serait normal et loisible d’entreprendre, pour répondre à l’appel de Dieu et être disponible aux frères ou soeurs si besoin est. La vocation n’est pas seulement l’affaire de quelques-uns, l’appel du Seigneur est pour tous. Il compte sur chacun de nous pour être les témoins et les messagers de son amour dans le monde d’aujourd’hui. C’est ainsi que nous pourrons participer à son oeuvre de rassemblement : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Comprenons bien : il ne nous

envoie pas seuls mais les uns avec les autres et surtout avec lui. La vocation de tout baptisé est vocation à devenir disciple du Christ ; c’est en Église que nous participons à sa mission d’annonce de l’Évangile au monde.

Pour terminer nous retiendrons volontiers une leçon de cet évangile : Jésus nous dit que les brebis suivent le berger parce qu’elles connaissent sa voix : derrière cette image pastorale, on peut lire une réalité de la vie de foi ; nos contemporains ne suivent pas le Christ, ne seront pas ses disciples si nous ne faisons pas résonner la voix du Christ, si nous ne faisons pas connaître la Parole de Dieu. Chacun est invité à faire entendre par tous les moyens le son de sa voix.

D’une manière pratique, après le 11 mai, ne pouvant pas vite reprendre nos rassemblements dans l’église, nous serons appelés à mettre plus en valeur les fraternités locales, nous réunissant en petits groupes de 4,6,7… personnes dans nos maisons pour entendre et faire entendre la voix du Seigneur. A l’image de la première communauté chrétienne, ce petits assemblées domestiques autour de la Parole de Dieu boosteraient notre vivre ensemble et renforceraient notre témoignage chrétien. Nous verrons comment nous organiser pendant cette période du 11 mai jusqu’à la reprise effective des activités dans nos paroisses. Car, les décisions du gouvernement ne s’opposent pas à notre conscience durant cette période, de vous visiter, de prier avec des familles, confesser…L’essentiel est que nous respections les mesures de distanciation sociale.

Que puisse le Seigneur, par l’intercession de la Vierge-Marie, qui nous accompagne durant ce mois de mai comme toujours, nous donner plus de patience, d’espérance, de l’écoute- méditative de sa Parole, sa protection pendant le confinement et après le confinement, afin qu’en communion les uns avec les autres et avec toute l’Église, nous pouvons chanter et proclamer : « Tu es mon berger, ô Seigneur, rien ne saurait manquer où tu me conduis. » Amen