Réveillons la fraternité

Nov 28, 2019 | paroisse crémieu

Au première plan Jeannette la doyenne, 18 enfants et plus de 500 descendants

Tziganes, Manouches, Gitans, Bohémiens, Yéniches : qui sont-ils ?

Mais qui sont ces gens que nous appelons Tziganes, Manouches, Gitans, Bohémiens, Yéniches, ………. Et dont l’appellation officielle est gens du voyage, depuis les années 70.

Tout d’abord, la notion de gens du voyage est une notion administrative créée en droit français pour désigner la communauté des voyageurs ne disposant pas de domicile fixe. Ce sont des citoyens français intégrés économiquement, exerçant les métiers de commerçants ambulants et de forains notamment, et qui ont fait initialement le choix d’une vie non sédentaire. Tous ne sont pas itinérants, certains sont considérés comme des « gens du voyage sédentarisés »
Le Sénat, dans le rapport déposé lors de l’examen de la loi du 7 novembre 2018, précise « on estime à environ 250 000 à 300 000 le nombre de « gens du voyage » en France, nombre qui correspond à trois catégories : les itinérants, qui se déplacent en permanence sur l’ensemble du territoire national ; les semi-sédentaires, qui ont des attaches fortes sur un territoire ; les sédentaires, installés de manière permanente, généralement sur un terrain dont ils sont propriétaires ou locataires. »

Jean luc, notre diacre nous partage leur origine :

Une origine indienne

Pendant des siècles leur origine demeure un mystère. Des hypothèses les plus fantaisistes sont avancées. Sont-ils les enfants d’Adam et d’une femme antérieure à Eve, les descendants des Atlantes les fils d’une tribu perdue d’Israël ?
Aujourd’hui les chercheurs semblent unanimes à reconnaître l’origine indienne des Tziganes, d’une tribu sindis plus précisément,
Les linguistes ont confirmé que la langue des tziganes était proche du sanskrit » hindi-rajasthani » et qu’elle s’était enrichie, au cours de leurs voyages de mots empruntés aux vocabulaires des pays traversés.
On ne connaît pas les raisons qui ont déterminé leur départ de l’Inde vers l’IXe et Xe siècle.

 Deux migrations

 Leurs premières migrations les conduisent du nord de l’Indus vers l’Iran ou après un assez long séjour ils poursuivent leur migration, divisés en deux branches :

L’une se dirige vers le sud-ouest jusqu’en Egypte; l’autre vers le nord-ouest par l’Arménie et les contreforts du Caucase. La Grèce les accueille à partir du début du XIV° siècle. On les trouve aussi dans une contrée comparable au delta du Nil, autour du mont Gype, nommée « La Petite Egypte ». C’est pourquoi, les Tsiganes furent souvent appelés en France « Egyptiens », en Espagne « Egitanos » puis « Gitanos », en Angleterre « Egypsies » puis « Gypsies ».
Les longues guerres entre les Byzantins et les Turcs rendent leur condition très inconfortable, ils cherchent alors plus à l’ouest des terres plus tranquilles.
Nouvelle migration vers la Hongrie, l’Allemagne jusqu’à la Baltique, la Suisse. L’été 1419, les tribus apparaissent sur le territoire de la France actuelle à Chatillon-sur-Chalaronne, dans la Bresse, à Maçon, à Sisteron. En 1427, à la Chapelle Saint-Denis aux portes de Paris.
Les Tziganes fréquentent les Pays-Bas, de France ils descendent en Espagne, ils atteignent l’Andalousie dès qu’elle est libérée de la domination arabe. Les voici bientôt au Portugal. Dans les premières années du XVI° siècle, ils apparaissent en Ecosse et en Angleterre… Des pays Balkaniques, des tribus remontent en Pologne, en Lithuanie, en Russie du Sud. Toute l’Europe ayant été sillonnée par ces infatigables voyageurs, c’est le tour du Nouveau Monde. Ils ne s’y rendent pas toujours de bon gré. Le Portugal, pour se débarrasser d’un certain nombre de Ciganos, les expédie au Brésil. Des gypsies, passagers de bateaux anglais, découvrent les possessions britanniques d’Amérique du Nord, la Jamaïque, les Barbades, la Virginie. Quelques-uns participent à la colonisation de la Louisiane (un siècle plus tard, leurs descendants parlaient encore le français). Seul dans le monde entier, l’Extrême-Orient ne les attire que très exceptionnellement.
Au début, les Tziganes bénéficient d’un accueil sympathique et d’une large hospitalité. Mais très rapidement les villes ferment leurs portes et les campagnes deviennent hostiles. Les Tziganes « font peur », aussi on les accuse de toutes sortes de maux. Des méfaits d’ordre alimentaire, mais aussi le vol de chevaux, de divers larcins et même de crimes imaginaires comme l’enlèvement d’enfants….
Les plaintes affluent et les gouvernements réagissent plus ou moins sévèrement… D’abord la Suisse en 1471, puis l’Espagne en 1499, le Saint Empire Germanique en 1500, la France en 1539. Des actes sont signés par tous les états d’Europe. Il s’agit ou bien d’expulsion pure et simple, ou bien le plus souvent, de l’alternative : ou se sédentariser ou quitter le pays dans un certain délai. La peine la plus fréquente est celle de la galère (plus particulièrement en France sous Louis XV), puis vient la mort et la flagellation surtout en Allemagne. Aux Pays-Bas, de véritables battues sont organisées au milieu du XIX° siècle.
Dans les anciennes provinces roumaines (Moldavie et Valachie), les Tziganes sont réduits en esclavage depuis le milieu du XV° siècle jusqu’au milieu du XIX° siècle ; non par mesure pénale, mais paradoxalement parce qu’on apprécie leur habileté en de multiples formes d’artisanat.

Le génocide tzigane

L’Allemagne s’était, depuis le XVI° siècle montrée particulièrement inhospitalière. Les Tziganes n’étaient pas considérés comme des Aryens, mais comme un mélange de races inférieures et comme des asociaux. Durant la seconde guerre mondiale, c’est «la solution finale », les Tziganes par milliers, hommes, femmes et enfants sont internés dans des camps de concentration. Marqués sur le pyjama rayé du triangle noir des asociaux, parfois d’un « Z », tatoué sur l’avant-bras, d’un numéro matricule, ils vivent dans une effroyable misère, destinés aux fours crématoires, à moins d’être encore assez résistants pour pouvoir travailler.

Camps d’internement de « nomades » en France et déportation en Allemagne

Durant la Première Guerre mondiale, tandis que les tsiganes alsaciens-lorrains de nationalité allemande sont internés en tant que civils ennemis, ceux de nationalité française qui circulent dans les zones de combat sont arrêtés sous divers motifs et internés au camp de Crest, de 1915 à 1919.
Lorsque se déclenche la Seconde Guerre mondiale, la France n’attend pas l’occupation allemande pour prendre des mesures privatives de liberté à l’encontre des « nomades ». En septembre 1939, quelques les déclarent « indésirables » sur leur territoire, et en avril 1940 la circulation des nomades et des forains est interdit sur tout le territoire national pour la durée de la guerre avec assignation à résidence. Cette mesure est prise pour contraindre les « Tsiganes » à la sédentarisation. Pour autant, les autorités se montrent réticentes à imposer l’internement, seuls deux camps, le camp de Lannemezan et le camp de Saliers sont consacrés exclusivement à l’internement de « nomades » en zone sud. En zone nord se sont les Allemands qui sont à l’origine de l’internement des nomades.
Le nombre des Tsiganes internés une ou plusieurs fois entre 1940 et 1946 s’élève avec un minimum de 4 657 internés tsiganes en zone occupée et 1 404 en zone libre, en précisant que 90 % sont de nationalité française, et que 30 à 40 % sont des enfants.
Petit à petit l’assignation à résidence,qui laissait une certaine liberté d’aller et venir, se transforme en internement et ce avant la fin de l’année 1940.
Les conditions de vie dans les camps sont dures : les repas consistent en ersatz de café le matin avec une ration de pain pour la journée, parfois un peu de viande le midi pour agrémenter navets, betteraves, choux, et le soir une soupe trop claire ; à l’exception de quelques familles, « toutes les autres sont parquées comme des bêtes dans deux grands baraquements de bois repoussants de saleté où jamais ne pénètrent ni le soleil ni l’air », la gale et les poux ne manquant pas de faire leur apparition.
Un certain nombre d’adultes sont transférés en Allemagne dans des camps de travail, Puis se sont des familles entières qui qui sont envoyés dans les camps d’extermination comme Auschwitz. Très peu en reviendront vivant.
Les derniers internés dans les camps français ne le quitteront qu’en décembre 1945, alors que les déportés survivants sont rentrés d’Allemagne depuis le printemps. Le dernier camp à fermer est le camp des Alliers à Angoulême, qui fonctionne jusqu’au 1er juin 1946. Les internés sont libérés mais placés sous une étroite surveillance. Le régime des nomades reprend ses droits. À la sortie, les familles libérées ne retrouvent pas les roulottes et chevaux qu’elles possédaient et ne reçoivent aucune aide ou indemnisation. Toutefois, un petit nombre de personnes ont obtenu le statut d’ « interné politique » longtemps après la guerre.

Les yéniches

L’histoire Européenne fait état de nombreux groupes nomades depuis le 11ème siècle en Suisse, et en Allemagne dès le 13ème siècle. L’expression peuple errant était d’ailleurs utilisée dans le langage administratif dès le moyen âge. Toutes ces communautés ont un point commun à savoir qu’elles ont été marginalisées par les violences, la pauvreté et le bannissement. Chacune d’entre elles a développé une culture et un langage propre au cours de ses transhumances en assimilant des influences extérieures provenant des contrées traversées.
Les Yéniches font partie de l’un de ces groupes nomades. Souvent assimilés à tort aux Roms, les Yéniches sont probablement le résultat d’une série de mélanges consécutifs à la guerre de trente ans, entre des déserteurs appauvris et un groupe d’émigrés Suisse du Canton de Berne. Au fil des générations et de leurs itinéraires, ces groupes se sont alliés et ont accueilli en leur sein tous les déshérités, les proscrits, les orphelins. Des groupes de commerçants itinérants juifs ont certainement été également intégrés, pour preuve les hébraïsmes de la langue Yéniche et l’existence de similitude dans les noms des deux communautés. C’est probablement la raison pour laquelle les Yéniches en s’installant dans l’espace germanophone ont choisi une seule et même religion, le catholicisme, alors qu’à l’origine les émigrés suisses étaient de protestants (Luthériens).
On voit bien la difficulté à cerner les origines d’une communauté faites d’ajouts de populations marginalisées.
Parfois nommés les Tziganes blonds en raison de leurs yeux verts ou bleus, ils refusent d’être assimilés aux Tziganes (Manouches, Gitans, Sinti, et Roms), aux seuls motifs de leur vie nomade commune en marge des sociétés sédentaires et de leur exercice, par la force des choses, des mêmes petits métiers (vanniers, rémouleurs, étameurs). Ils sont de souche européenne, ils revendiquent d’ailleurs une descendance Celte, alors que les Tziganes viennent du nord de l’Inde.
Le sort peu envieux réservé aux Tziganes et aux Roms ne les pousse d’ailleurs pas vers l’acceptation d’une telle assimilation.
Le poids de l’histoire demeure très douloureux.
Dès le 18ème siècle, les gouvernements européens ont persécuté les groupes nomades considérés comme incontrôlables.
Ensuite, bien que les théoriciens nazi n’apparentaient pas les Yéniches aux Tziganes et aux Roms, ils les considérèrent comme des asociaux et les déportèrent dans les camps de concentration. D’autres furent envoyés dans des stalags pour être employés à des travaux de construction ou de rénovation de routes et de voies ferrées. Très peu d’entre eux y survécurent !
Aujourd’hui, environ 200 000 Yéniches vivent en Allemagne, dont 120 000 en Bavière, Rhénanie du Nord et Bade-Wurtemberg. La vie moderne a eu raison de leur nomadisme et moins de 30 000 Yéniches sont des voyageurs permanents. La Suisse compte plus de 50 000 Yéniches dont moins de 10 % ont conservé une vie nomade. Les Yéniches sont également installés en Autriche, en Hongrie, en Biélorussie, en Belgique, au Luxembourg, dans les Pays Bas et en France, surtout en Alsace, dans des proportions moindres. (je rappelle qu’en France il est interdit de comptabiliser les population d’après leur origine)
Les familles Yéniches exercent toujours leurs métiers traditionnels de forains, colporteurs, vanniers, rémouleurs etc.
Ce mode de vie nomade ou semi-sédentaire est mal accepté par les populations sédentaires. Tout comme pour les Manouches en France, les terrains ancestraux sur lesquels ils pouvaient se stationner disparaissent, le non-accueil et le rejet s’aggravent, symboles d’une stigmatisation dont toutes les populations nomades sont victimes.
La situation s’est aggravée lorsque les frontières des pays européens se sont ouvertes aux ressortissants de pays nouvellement membres. Le flux migratoire de populations Rom fuyant la paupérisation et la précarisation des conditions de vie dans leurs pays d’origine, principalement la Roumanie et la Bulgarie, ne respectant pas certaines règles de vie, a opacifié un peu plus les relations entre les Yéniches avec les citoyens sédentaires, malgré leurs relations historiques

La communauté dans notre diocèse

 

Dans le département de l’Isère où cette population est assez importante, on trouve plusieurs styles de vie :
A Grenoble, par exemple, une forte communauté est sédentarisée dans des logements H.L.M. au quartier de l’Abbaye et ce depuis des décennies. Cette population, a conservé des réflexes communautaires solides : entraide, solidarité….
Dans le reste du département, de nombreuses familles occupent les terrains de passage communaux, à l’année, plus particulièrement autour des grosses agglomérations que sont Vienne, Bourgoin Jallieu et La Tour du Pin.
Enfin, des familles sont propriétaires de terrains, la plupart du temps non constructibles, sur lesquels sont implantés caravanes, mobil-home ou chalets, les enfants s’installant autour des parents dès qu’ils sont en couple.
Il est impossible de chiffrer l’importance de cette communauté, dans notre diocèse, le recensement par ethnie étant interdit en France.
Pour parler plus particulièrement du nord Isère, on peut considérer que la majorité des gens du voyage est d’origine Yéniche.
Leur foi, leur recherche, leur soif de Dieu, leur vie, originales, souvent très fortes, peuvent réveiller et enrichir les nôtres.

Temps fraternel sur la paroisse

Après la messe nous partageons le repas, toutes les tables étaient spécialement animées, au dessert nous avons fêté l’anniversaire de Danielle , épouse du diacre et engagée à ses cotés pour la mission avec les gens du voyage