Homélie Vigile Pascale 2020

Homélie Vigile Pascale 2020

Chers sœurs, chers frères,
Au début de cette nuit, le cierge pascal attire tous nos regards depuis nos églises privées (maisons, église familiale) à cause du confinement. Il nous appelle plus que jamais à vivre notre foi commune dans le Christ Ressuscité. La lumière de la Vie divine va nous rejoindre chez nous, en nous, pour nous transformer. Cette lumière s’adresse à tout notre être, où que nous soyons, à notre intelligence et notre cœur : elle vient jaillir du plus profond de nous-mêmes. Jésus avait dit : Je suis venu allumer le feu sur la terre : comme je voudrais qu’il fût déjà allumé. Ce soir, ce feu est allumé ! Il brille et nous réchauffe de l’intérieur en cette nuit pascale : avons-nous conscience que c’est un véritable feu qui vient traverser nos vies, nos maisons, nos communautés?
Orientons notre regard vers le Christ dans le mouvement même où il tourne vers nous son propre visage. Depuis la nuit de Pâques, ce ne sont pas seulement nos églises qui sont orientées vers le soleil levant ; ce sont nos cœurs qui s’orientent pour accueillir la lumière du Seigneur Ressuscité qui se lève et vient vers chacun d’entre nous, au petit matin de ce jour. Aujourd’hui, le Christ est là et, malgré nos pas ou notre souffle hésitants dans la nuit encore présente du confinement, rendons grâce à Celui dont nous savons qu’Il a vaincu nos ténèbres. Il nous aidera à les vaincre définitivement, à commencer par l’obscurité de la mort désormais vaincue.
Oui, « qu’éclate dans le ciel la joie des anges ! Qu’éclate de partout la joie du monde ! Qu’éclate dans l’Eglise la joie des fils de Dieu ! » (Exultet) Le Christ est ressuscité, Alléluia ! Toute la liturgie de cette veillée pascale révèle Dieu et son action pour l’homme. Il a créé le monde par amour. C’est la révélation du livre de la Genèse : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (1ere lecture). Dieu s’est révélé aux fils d’Israël comme le Dieu libérateur. Il nous libère de toutes nos angoisses, de tout ce qui pèse sur nos épaules, de la servitude et de la mort: « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens » (Ex 3,7-8). Et « Israël vit avec quelle main puissante le Seigneur avait agi contre l’Egypte » (2e lecture).
Le Seigneur s’est révélé à l’homme comme le Dieu de l’Alliance qui invite à la conversion : « Que le méchant abandonne son chemin, et l’homme perfide, ses pensées ! Qu’il revienne vers le Seigneur qui lui montrera sa miséricorde, vers notre Dieu qui est riche en pardon » (3e lecture). Dieu se révèle enfin, comme le Dieu de la vie et non de la mort : « Si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous dit l’apôtre Paul, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui ». Par sa résurrection, le Christ a dépossédé la mort de son empire et nous a introduits dans la vie de Dieu. La résurrection du Christ devient ainsi le mystère central de notre foi. Mystère que nous sommes conviés à proclamer à chaque célébration eucharistique : « nous proclamons ta mort Seigneur, nous célébrons ta résurrection et nous attendons ta venue dans la gloire ! » (Anamnèse). C’est désormais à la lumière de la résurrection que nous comprenons la vocation de tout baptisé, appelé à bannir toute peur et toute crainte. « Vous, soyez sans crainte ! » dit l’ange aux femmes avant que Jésus lui-même ne le leur répète avec un envoi en mission : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront » (évangile). La mission de tout baptisé, c’est d’annoncer à tous les hommes que Jésus est vivant et « qu’il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2,11).
Pensons à Julie et Clément, même si à cause du confinement, restent en attente de leur baptême. Ils sont une joie pour notre communauté paroissiale et pour la grande Eglise de Jésus Christ, ce peuple des rachetés. Votre baptême nous rappelle ce que nous sommes réellement : nous sommes re-nés dans le Christ. Oui, « dans sa grande miséricorde, Dieu nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts » (1 P 1,3). Votre baptême rehaussera notre joie pascale. Julie et Clément nous rappelez que si par notre baptême « nous sommes morts avec le Christ, avec lui nous vivrons » (2 Tm 2,11). Nous vous remercions de nous donner cette joie et notre prière vous accompagne durant ce temps d’attente, pour que le jour de votre baptême, vous soyez des chrétiens dignes de ce nom, courageux, costauds, intrépides, capables d’apporter du sang neuf à notre communauté et à toute l’Eglise et non pas des chrétiens lambda, molo-molo (comme on dit chez moi). Je crois savoir que vous êtes bien accueillis et prenez désormais toute votre place dans notre communauté paroissiale. Je pense aux admis d’office qui n’attendent que leur diplôme.
Frères et sœurs, comme autrefois, nous sommes rejoints en cette nuit par le Ressuscité au bord du tombeau de nos peurs, de nos angoisses, de nos soucis. Il nous rejoint, « nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus » et il nous annonce la bonne nouvelle de sa résurrection. Ne nous replions pas sur nous-mêmes mais réjouissons-nous, car nous sommes « vivants pour Dieu en Jésus Christ ».
En ce temps de confinement, nous cherchons certainement le Jésus Crucifié, mais c’est Lui qui vient d’abord à notre rencontre. Comme dans toute l’Ecriture, c’est qui Dieu nous précède toujours, et qu’il se manifeste là où nous ne l’attendons pas. Voici d’ailleurs qu’ayant quitté le tombeau les femmes voient une nouvelle apparition qui les saisit encore de stupeur, celle de leur maître Jésus, le crucifié, le ressuscité lui-même. Il les accueille en leur disant tout simplement Je vous salue ! Que l’on peut traduire également par Réjouissez-vous ! , Soyez dans la joie ! Soyons dans la joie, car il est avec nous, il est vivant. Il est parmi nous. Avec tous ceux qui nous entourent, puissions-nous éclater de joie en criant : « Il est ressuscité, Il est vraiment ressuscité » !

Homélie du Jeudi Saint 2020

Homélie du Jeudi Saint 2020

Chers frères, chères soeurs,
Le confinement ne nous a pas permis de nous rassembler, mais nous pouvons vivre ce temps fort du Triduum pascal en unissant nos coeurs par une prière fraternelle et familiale. Que puisse le Seigneur unir nos coeurs spirituellement pour vivre loin des autres cette célébration. Oui, chaque année, le jeudi saint nous nous retrouvons pleins de joie en célébrant ensemble la fête de l’institution de l’Eucharistie. C’est par elle que le Seigneur se rend par-dessus tout présent à nous. Cette année, la fête est bien particulière, puisque beaucoup ne pourront pas avoir accès au Corps du Christ dans le cadre d’une célébration. Toutefois, ce « jeûne » de l’Eucharistie pourra nous aider à mieux réaliser ce que signifie réellement pour nous recevoir le Corps du Christ.
Je voudrai avant tout rappeler que durant la semaine sainte nous célébrons la messe chrismale. Dans le rite catholique latin, la messe chrismale n’appartient pas, au sens strict, au Triduum pascal. Si elle a lieu le plus souvent le Jeudi Saint au matin, elle peut être transférée à un autre jour, pourvu qu’elle soit proche de Pâques, voilà pourquoi dans notre diocèse, nous la célébrons le mardi saint. Au cours de cette messe l’Evêque bénit les huiles (Saint Chrême, huile des malades et l’huile des catéchumènes) et les prêtres renouvellent leur engagement sacerdotal.
Aujourd’hui nous célébrons la Cène du Seigneur, le repas dans lequel Jésus institue l’eucharistie et fait de ses apôtres les ministres de ce sacrement et de tous les sacrements. Nous pouvons remarquer que si les trois évangélistes Mathieu, Marc et Luc rapportent ce grand moment, Jean rapporte un épisode simultané et étonnant : Jésus lave les pieds de ses disciples. Ce récit est étonnant car si tous les 3 autres sont fidèles à la Tradition, tous montrent que les Apôtres ont pris un bain avant ce repas et ont fait les ablutions rituelles. De plus, ce geste est un geste d’esclave. Comment Jésus qui est bien pour eux le Messie peut-il faire une telle chose ? Jésus pose un geste déroutant, un geste d’amour et de pardon.
1-Un geste déroutant : c’est d’ailleurs la réaction de Pierre : « TOI Seigneur, tu veux me laver les pieds ? » Pierre ne comprend pas et refuse pensant que Jésus ne peut pas s’abaisser à un tel acte. En effet, la stupéfaction, puis la véhémente protestation de Pierre viennent d’un respect et d’un amour sincère envers Jésus, mais cet amour est encore trop peu éclairé. Pierre, ne l’oublions pas, a un jour répondu à Jésus : « Tu es le Christ, le Messie de Dieu, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Il n’est pas pensable pour Pierre de voir Jésus à ses pieds « Tu ne me laveras pas les pieds, non jamais ! » Il en est vraiment indigné. Pierre ne comprends pas une telle humiliation de la part du Messie, il ne s’indigne comme lorsque Jésus lui prédit pour la première fois sa Passion (Mt16, 22). Tu n’auras pas de part avec moi. Avoir part avec quelqu’un signifie être associé en communauté avec lui, participer à son amitié ou à ses biens. Ici, Pierre n’a pas besoin d’être lavé, mais de se laisser laver par Jésus. Il s’obstinait à empêcher Jésus d’accomplir son acte d’humilité, il romprait avec lui, il s’exclurait de son amitié, car il ne faut pas mettre obstacle aux humiliations du Sauveur, qui sont nécessaires au salut des hommes, selon le plan divin.
Pierre ne se laissera faire que lorsque la Parole de Jésus lui ouvre le coeur : « si je ne te lave pas les pieds tu n’auras pas part avec moi » et dans son élan il veut être lavé tout entier. Il est évident que Jean, l’auteur de l’évangile, n’est pas dans une affaire de propreté rituelle ! Nous sommes pleinement dans la signification de ce geste : l’abaissement de Jésus qui se fait serviteur jusqu’au bout. Il lave les pieds de ses apôtres mais, en fait, il les sanctifie, il les rend purs. C’est ce qu’il demande à son Père : « sanctifie-les dans ta vérité » (Jean 17, 17). Nous savons que nous ne pouvons pas nous purifier nous-mêmes : c’est le pardon de Dieu qui nous rend purs, « lave-moi de ma faute, Seigneur, purifie-moi de mon péché » (Ps 50). Quand saint Paul dit « vous avez revêtu le Christ », il veut tout simplement nous dire que: vous êtes rempli du Christ, vous êtes purifiés dans le Christ. Le lavement des pieds est une leçon d’humilité et de charité.
2-Un geste d’amour et de pardon : c’est le commandement nouveau donné par Jésus à ses Apôtres. « Si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et votre Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné pour que vous fassiez vous aussi comme moi j’ai fait pour vous ».
Il ne s’agit pas simplement de faire du bien aux autres, d’être « en tenue de service » à leur égard. Ce commandement s’adresse aux Apôtres et il ne se comprend qu’en lien avec ce qui se passe à ce moment intense du repas, de la Cène du Seigneur. Jésus anticipe ce qu’il va vivre dans quelques heures : le sacrifice total, le don de sa vie pour l’humanité tout entière depuis la création du monde jusqu’à la fin des temps. Le lavement des pieds est le signe de l’amour qui vient rejoindre les Apôtres, qui les sanctifie et les rend dignes d’accomplir à la suite du Christ son sacrifice suprême. Il faut mettre en parallèle les deux commandements qu’Il leur donne : « faites ceci en mémoire de moi « (le ministère eucharistique) « faites vous aussi, comme moi, ce que j’ai fait pour vous ».
La miséricorde du Seigneur fait aussi de ses Apôtres les ministres du pardon des péchés puisque dans la même ligne, selon Saint Jean, au soir de Pâques Jésus donne le commandement et le pouvoir à ses Apôtres de pardonner les péchés. Nous savons bien que dans le sacrement du pardon le Seigneur vient laver les pieds de ses disciples et les inonder de sa miséricorde.
Tout ceci nous fait entrevoir les liens inséparables qu’en ce Jeudi-Saint nous célébrons dans le mystère du Christ qui donne sa vie. Le lavement des pieds révèle à la fois l’abaissement et la toute-puissance du Christ. C’est exactement ce que nous retrouvons dans les sacrements : la pauvreté du signe (l’eau, le pain, le vin, l’huile…) et l’immensité du don de Dieu par la puissance du Christ. Cette puissance est celle de l’Amour qui s’incarne, qui rejoint chacun (dans nos différents lieux de confinement) et qui, seul, nous purifie et nous rend dignes de ce don.
C’est pourquoi l’Eucharistie est une réalité divine qui se réalise entre les mains d’un homme pauvre pécheur mais appelé par le Christ à agir en ses lieux et places, « in persona Christi ». Parce que nous sentons notre faiblesse comme Pierre, nous disons « Seigneur, tu ne nous laveras pas les pieds ». Or c’est l’orgueil humain qui parle car il nous faut être bénéficiaire de la miséricorde du Seigneur, de son amour gratuit pour pouvoir le rendre présent. Et Pierre après la résurrection pourra dire « tu sais tout, Seigneur, tu sais bien que je t’aime » (Jn21, 17) mais auparavant il va connaître dans la terrible nuit de la Passion de son Maître la trahison. Il faudra le regard de Jésus pour le relever, pour la deuxième fois Jésus était descendu jusqu’à lui. L’eucharistie et tous les sacrements c’est cet abaissement de Dieu par Jésus pour nous rendre semblables à Lui et nous faire vivre de Lui.

Frères et soeurs, ce soir et durant ce triduum pascal, quoi qu’il en soit de notre isolement, nous sommes invités à être présents auprès du Christ et auprès de tous ceux qui actuellement vivent l’inquiétude ou l’épreuve de la maladie. Le Seigneur est auprès de nous et nous conduit, ce soir à nous rendre tout spécialement présents en son nom et par la prière, auprès de ceux qui souffrent le plus. Soyons avec Lui, porteurs de l’Espérance qui nous redonne la Vie, en faisant de nous des serviteurs.
Amen !